Quand on lance un pavé dans la mare, les résultats ne se font pas nécessairement ressentir tout de suite. L’essentiel est de faire bouger les lignes la question des nouveaux emplacements dans les exploitations agricoles. Puis, de petites victoires invitent à poursuivre le chemin entamé.
Dans une interpellation, Nicolo Paganini, conseiller national de Saint-Gall, a demandé au Conseil fédéral de prendre position concernant les aires de stationnement dans les exploitations agricoles. Il a en effet constaté d’importants écarts dans leur mise en œuvre concrète dans les cantons, et soulevé les questions suivantes : « Quelles possibilités le droit en vigueur offre-t-il concernant les aires de stationnement pour les camping-cars dans les exploitations agricoles ? Que pense le Conseil fédéral des différences observées dans le niveau d’application par les cantons ? Et y a-t-il, du point de vue du Conseil fédéral, une nécessité d’action par le législateur, et si oui, dans quelle mesure ? »
Déception ou progrès ?
Dans le milieu des camping-caristes, on aurait souhaité que le Conseil fédéral facilite et simplifie la création d’aires de stationnement dans les exploitations agricoles. Vous trouverez la réponse complète du Conseil fédéral de novembre de l’année dernière dans l’encadré du présent article.
« Les impatients diront qu'elle n’apporte rien », affirme Rolf Järmann, Directeur général d’Au pays du camping-car. « Mais si l’on observe cette réponse d’un peu plus près, on y trouve quelques précisions malgré tout. Ainsi, le Conseil fédéral prend clairement position, indiquant qu’un lien évident peut être établi entre exploitations agricoles et aires de stationnement de véhicules de loisirs, alors que ce fait suscite régulièrement des débats avec les responsables cantonaux. »
Il souligne également que le Conseil fédéral évoque de trois à cinq emplacements par ferme, alors que de nombreux cantons fixent la limite à trois. « La phrase selon laquelle il ne serait pas impossible d’aménager des surfaces carrossables supplémentaires va elle aussi clairement dans notre sens », ajoute Rolf Järmann. Il ajoute enfin que la réponse évoque les mémentos publiés par certains cantons sur ce sujet, laissant entendre que tous les cantons devraient en faire autant. « Pour résumer : si le Conseil fédéral n’a donné aucune instruction directe aux cantons, il a néanmoins pris notre demande au sérieux, et nous offre des arguments solides en vue des négociations avec les cantons. Cela nous incite à poursuivre nos efforts dans cette voie. Il ne nous reste plus qu’à entrer dans le vif du sujet avec les cantons », conclut Rolf Järmann.
Si celui-ci reste optimiste, c’est notamment grâce à l’évolution positive de différents projets d’aires de stationnement, notamment à Gähwil. Avec ses plus de 800 habitants, ce village du Toggenburg n’est pourtant pas connu dans la région comme un pôle touristique. Deux restaurants, une supérette, quelques PME et une remontée mécanique qui lutte pour sa survie à 750 m d’altitude. Les visiteurs se dirigent plutôt vers Wil. Cela n’irait pas beaucoup plus loin, si deux habitants du village motivés, Werner Messmer et Josef Keller, n’avaient pas pris les choses en mains il y a quatre ans, et fait preuve d’une persévérance à toute épreuve. Ils ont négocié avec la commune de Kirchberg concernant le parking de la remontée mécanique, qui reste inutilisé lorsqu’il n’y a pas de neige. La commune ne souhaitant pas exploiter elle-même une aire de stationnement pour camping-cars, les deux locaux à l’esprit d’initiative bien aiguisé ont loué une partie du parking pour la saison estivale, et y ont créé une aire simple avec leurs propres moyens. Cet emplacement n’étant pas destiné à des fins touristiques, nos deux amis doivent obtenir une autorisation tous les deux ans pour conserver le parking, ce qui suppose bien sûr des coûts. Même si la commune était sceptique au départ, ils ont pu bénéficier du soutien de la population. Et notamment, un peu plus tard, de celui des deux restaurants du village et de la supérette, qui reçoivent la visite de certains des camping-caristes.
Plus d’intérêts à ce changement
Les randonneurs du village étudient régulièrement les plaques d’immatriculation des nouveaux arrivants, et se réjouissent de voir certains véhicules arriver de très loin pour faire une halte à cet endroit. Dix véhicules de toutes tailles peuvent passer la nuit sur cette aire, et il en a accueillis jusqu’à 30 en période de pointe, lors des jours fériés. Sur inscription, Josef et Werner ont installé des tentes, proposé des balades à vélo et des randonnées, ou organisé une intéressante visite dans la scierie voisine ou dans les deux fromageries. En quatre ans, l’aire de stationnement s’est établie, ses deux créateurs sont devenus les deux professionnels du tourisme les plus en vue des alentours, et même la commune trouve de plus en plus d’intérêts à ce changement. Une demande de financement pour une station de vidange et de ravitaillement a été validée l’année dernière par le fonds local de la caisse d’épargne et de crédit de Kirchberg. Cette station va maintenant pouvoir être installée sur l’aire de stationnement, aux côtés d’une installation d’alimentation électrique améliorée.
Au pays du camping-car accompagne cette aire de stationnement depuis le début, et lui a accordé cette année le label « Recommandée par Au pays du camping-car ». L’aire de stationnement est ouverte d’avril à fin octobre, coûte douze francs par camping-car, et offre un environnement calme, parfait pour des randonnées ou balades à vélo.
Au pays du camping-car
9475 Sevelen
Prise de position du Conseil fédéral
Quelles possibilités le droit en vigueur offre-t-il concernant les aires de stationnement pour les camping-cars dans les exploitations agricoles ?
La mise à disposition d’une aire de stationnement pour camping-cars dans une exploitation agricole n’est pas une activité conforme à la zone agricole, c’est pourquoi elle exige une dérogation. Une telle dérogation peut être fondée sur l’article 24b de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT, SR 700). Cet article autorise les exploitations agricoles au sens de l’article 5 ou 7 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR ; SR 211.412.11) qui ne pourraient subsister sans un revenu complémentaire, à exercer une activité accessoire non agricole proche de l’exploitation dans des constructions et installations existantes. Les activités
accessoires qui sont, par leur nature, étroitement liées à l’entreprise agricole peuvent être autorisées indépendamment de la nécessité d’un revenu complémentaire. Des agrandissements mesurés allant jusqu’à 100 m2 sont admissibles lorsque les constructions et installations existantes sont trop petites. Les dispositions d’application figurent à l’article 40 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT, SR 700.1).
La mise à disposition d’une aire de stationnement pour camping-cars peut par exemple être considérée comme étroitement liée par nature à l’entreprise agricole lorsque l’utilisation de l’aire est associée à un petit déjeuner composé en grande partie de produits de la ferme.
Que pense le Conseil fédéral des différences observées dans le niveau d’application par les cantons ?
La mise en application des dispositions relatives aux constructions hors des zones à bâtir, dont font partie les articles évoqués (art. 24b LAT et art. 40 OAT), relève de la responsabilité des cantons. C’est pourquoi, au sein du cadre établi au niveau fédéral, il existe certaines différences entre les cantons. Certains cantons publient des mémentos sur les aires de stationnement pour les camping-cars dans les exploitations agricoles. Les conditions d’autorisation conformément à l’article 24b LAT et à l’article 40 OAT y sont clairement expliquées. Il est régulièrement demandé, au vu des dispositions légales en place, que les camping-cars puissent faire une halte sur les terrains déjà carrossables. En l’absence de surfaces carrossables suffisantes, un simple aménagement de type gazon-gravier (surface permettant l’infiltration d’eau, mêlant du gravier pour la facilité d’accès et de la pelouse) est considéré comme autorisé. Les modifications de terrain sont en revanche interdites. L’aire devra offrir un maximum de 3 à 5 emplacements de stationnement. Ces règles semblent pertinentes du point de vue du Conseil fédéral.
Y a-t-il, du point de vue du Conseil fédéral, une nécessité d’action par le législateur, et si oui, dans quelle mesure ?
Au vu des dispositions légales évoquées et des règles établies dans les mémentos cantonaux, le Conseil fédéral considère qu’il n’y a pas de nécessité d’action de la part du législateur dans ce domaine.
Plus d'informations et de nouveautés sont publié dans le magazine Autocaravane.
de magazine : Autocaravane, numéro 1/2024